Pour la communauté : « Les Croqueurs de Mots »
JB à la barre n° 59
Le thème : « Les grandes vacances de l'enfance »
Vacances 66
Vacances de prolétaire
Dans une pension au bord de mer
Coup de pouce de la socialiste
Où mon père cotise fataliste
Depuis l’âge d’un mètre cinquante-cinq et demi,
L’usine en guise d’école pardi,
Sept jours à la mi-août
De l’eau salée jusqu’aux genoux…
Matinée à la promenade
Le long de la vieille estacade
A reluquer au bout de l’allée
Les malles au port accoster
Et les pêcheurs à la ligne
Bredouilles qui trépignent,
Passer devant les boutiques
Où pendus, joujoux de plastique
Se heurtent dans la brise marine
Et au refus d’une gestion radine…
Midi à la salle à manger
Banquette avec vue sur les voiliers
Simple assiette de cantine
Mais attendue l’eau à la babine
Ici glace ou gâteau en dessert
Rarement vus sur la nappe ouvrière…
Retour à la chambrette
Enfiler maillot sous la serviette
User et abuser de l’ascenseur
Petits paysans tout à leur bonheur…
Quatorze heures à la plage sans maille
Chaise longue et chapeau de paille
Pour ma mère en robe à fleurs
Eté 66 au compteur
Le père à sa boîte à photographier
Manivelle à bobiner
Le frangin à ses pâtés de sable
Et moi à la pataugeoire fiable
Enviant ces gamins en indienne file
Montés sur des ânesses dociles…
Soirée pain beurre omelette
Parfois s’acheter un quart de crevettes
A décortiquer sur un banc
Au soleil rouge couchant
Sur la digue qui se refroidit
Accoutrée dans mon lainage déjà trop petit
Mais qui ne m’empêche pas
De rêver à ce ferry scintillant là-bas
Qui disparaît derrière l’horizon
Où habitent les Anglais… dit-on…?
Puis le vague à l’âme
Valises défaites refaites sans flamme
Soupirer à la fenêtre
Un gosse du coin ne pas être
Les vacances sont dépensées
Il me faut sagement rentrer
Par le chemin de fer
Qui nous cheminait pas plus tard qu’hier
Pour une semaine de vie autrement
Qu’au patelin couleur des champs…
Vacances de prolétaire
Dans une pension au bord de mer
Coup de pouce de la socialiste
Où mon père cotise fataliste
Depuis l’âge d’un mètre cinquante cinq et demi,
L’usine en guise d’école pardi,
Sept jours à la mi-août
De l’eau salée jusqu’aux genoux…
Rares furent ces escapades d’oisiveté
A escarcelle déliée
Néanmoins j’en garde extraordinaire souvenance
Celle qui me sortait de l'ordinaire de mon enfance…
jill bill
Photo de Doisneau