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10 août 2011 3 10 /08 /août /2011 23:05

Pour la communauté : « Les Croqueurs de Mots »

Lenaïg Boudig à la barre n° 61 lien

 

Les jeudis-poésie du 4 et 11 août 2011 thème « Le mal du pays, l'exil »

 

 

Exil

 

valise9.jpg

 

 

Mère, à votre larme miroir de vos états d’âme je goûte l’amer de votre nostalgie profonde à quitter vos vieilles dentelles jaunies, peaux mortes de votre existence, souvenirs de naguère incrustés en votre cœur de même votre anneau en or au doigt est resté greffé femme veuve… Partir c’est mourir tout court s’essouffle à vous dire votre grand âge … Je vous sais pleine de pleurs… Mère, il vous faut vous défaire des choses, des habitudes, même si votre corps se rebelle, elles risquent de vous blesser, votre solitude alors serait poison mortel… Mère, la sagesse vous commande d’exorciser de votre mémoire le visage d’hier, de trépaner de votre esprit toutes pensées de rester là, ne vous y accrochez plus tel le lierre attaché à la pierre… Vos omniprésentes reliques sur votre commode m’incommodent, me culpabilisent en mon âme et conscience… J’ai l’impression de vous tuer… Mère, aidez moi, venez je vous en conjure, il est temps d’un ailleurs où reposer le reste de vos jours… Vous êtes debout sur le pas de votre porte, en chapeau à voilette et manteau sombre, vieille dame émouvante, silence lourd de tout un corps usé qui s’arrache à lui-même, à ses murs empreints des vicissitudes de toute une vie humaine… Mère, il est tard, l’instant de adieux est venu, saluez les fantômes qui survivaient ici à vos côtés et avec qui vous tuiez le temps à coups de monologue… Mère, courage encore, je vous sens défaillante, agrippez-vous à mon bras, appuyez-vous y bien, de toute votre peine, je serai le paravent protégeant votre pudeur des regards de la rue indiscrète, ensemble franchissons le seuil des heures vécues, votre main ridée dans ma paume émue de ne plus vous savoir jamais à cette fenêtre à m’attendre… Mère, une place vous patiente là-bas où vous savez, d’autres gens vous conduiront le geste bienveillant à la fin de vous-même… Mère, donnez-moi le bras et promettez-moi de pleurer si en vous émerge ce besoin légitime, il vous reste ce droit, n’en abusez point, je préfère de loin votre beau sourire aux larmes, baume de mon enfance… Oui mère j’ai éteint la lumière et fermé la porte à double tour... Nous voici arrivés… Prenez ce mouchoir, essuyez votre chagrin… Je viendrai vous voir dimanche avec une boîte de chocolats noirs, vos préférés, promis, juré… Rentrez maintenant au bras de votre infirmière, vous me ferez un dernier signe de la main de votre nouvelle fenêtre comme par le passé… Je vous répondrez par un autre, n’oubliez pas, Mère, que je vous aime ! Oui, rassurez-vous, j’ai éteint la lumière et fermé la porte à double tour…

 

jill bill

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

E
<br /> <br /> C'est trés beau et bien triste à la fois. Ce jeune homme veut remballer tous les vieux souvenirs et sa mère dans la même malle, mère qu'il n'a sans doute jamais vraiment connue.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> J'ai employé le vouvoiement... pour cette famille bourgeoise !   Etaient-ils si proches, bonne question !  Jill<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Je me souviens d'une réflexion d'Alice Sapritch questionnée sur sa prestation dans "la folie des grandeurs" elle expliquait que c'était une jeune personne qui l'avait doublé dans le streap<br /> teaseet de conclure à propos de son âge et des "interdits" qui s'y rattache que la vieillesse était à ses yeux le plus grand VIOL de la nature, je ne suis pas loin de penser comme elle<br /> aujourd'hui. Bisous ma toute belle, ton écrit aura fait noircir des pages blanches.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Hello Mony... Oui je me souviens aussi, ah un personnage la Sapritch... pas tort !!!  Et que faire d'autre que d'accepter sereinement ce que vous renvoit le miroir... si pas obsédée par<br /> la jeunesse, là c'est un autre débat.... Bisous Mony !  <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> La dernière valise, la maison fermée à double tour, départ avant le grand départ, lequel est le plus triste ?<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Pour moi je dirai celui-là... le dernier tour de clé d'un chez soi que l'hiver de la vie vous force à lâcher...<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> <br /> C'est un beau texte très émouvant : qu'il est difficile de quitter sa maison pour aller finir sa vie dans ces maisons  -mouroirs. Bravo à toi; bisous<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Le bout du rouleau comme on dit doit bien se terminer quelque part... de nos jours c'est souvent là !  Merci fanfan... bisous !  jill<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Très beau texte. Bravo.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Merci Claudine !  Jill<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Melting-pot créé le 31-8-2010
  • : Blog de jill bill (Fabienne)Poésie, humour, jeu à trous mensuel, jeu de la floue t'es, haïku-tanka, défis de communauté, maîtresse de la cour de récré de JBNationalité belge, mariée.
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